R.A.P.-Échos 4

R.A.P.-Échos n°4

OCTOBRE 1993


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Dans ce numéro :
Pétition : Non à la publicité au cinéma, Oui au court-métrage
Lettre ouverte aux adhérents
Affaire Gilles et Manu (fin)

PÉTITION :
"NON À LA PUBLICITÉ AU CINÉMA,
OUI AU COURT MÉTRAGE."

Grâce à l'action de militants, le public est de plus en plus informé sur les risques liés à l'emploi de certaines sources d'énergie. Ce n'est pas le cas pour la publicité, technique entraînant deux sortes de pollution : l'une sensible - comme la marée noire des affiches dans le paysage -, l'autre insensible- l'irradiation des consciences manipulées, réduites, fermées pour ainsi dire.
Le cinéma, du moins lorsqu'il ne relève pas de l'esthétique ou de l'idéologie publicitaires, nous permet d'enrichir notre regard sur le monde. La publicité, elle, en nous faisant saliver devant un produit-héros entouré d'accessoires à forme humaine, draine nos désirs vers le tiroir-caisse. Ce dressage de nos consciences interdit le rêve, exclut la poésie. Les spots publicitaires, contrairement aux courts métrages, ne sont pas un supplément de culture, mais une agression de l'esprit. Ils n'ont pas leur place dans les salles de cinéma.
Le 7éme Art peut-il, sans trahir sa vocation culturelle, recourir à une source d'énergie polluante et collaborer au conditionnement des consciences ? Même s'il était prouvé que le financement publicitaire servait plus les films et les salles qu'il n'engraissait des intermédiaires superflus, il appartiendrait au spectateur - qui n'achète pas sa place pour faire vivre les exploitants, les acteurs ou les ouvreuses- d'exiger un cinéma rendu à sa mission première :le divertissement et la culture.
Par ailleurs, la pétition de Résistance à l'Agression Publicitaire (à photocopier, page 3), outre son rôle affiché d'aiguillon du pouvoir, permettra à chacun de s'interroger sur la place occupée par la publicité dans des secteurs plus fréquentés que le cinéma, comme la rue, la presse, la télévision. Le système doit être combattu sur plusieurs fronts.

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LETTRE OUVERTE AUX ADHÉRENTS

Yvan Gradis (président)


Chers amis,
Jusqu'à nouvel ordre et dans la mesure où cela dépendra de moi, je ne passerai plus à la télévision.
Cette décision personnelle, j'en ai conscience, pourrait avoir des conséquences sur le développement de notre association, du moins tant que j'en serai le président. C'est pourquoi je tiens à en exposer ici les motivations.
Elles sont d'abord d'ordre intime et tiennent en quelques mots : je souhaite continuer de prendre le métro. Formule pas seulement symbolique. Ce lieu parfaitement artificiel constitue, à mes yeux, dans son aspect concentrationnaire, un observatoire privilégié des méthodes employées dans cet hypermarché à quoi certains voudraient réduire la société contemporaine (c'est d'ailleurs là que je pris conscience, il y a douze ans, du système publicitaire).Or, on ne peut observer - ni vivre - , si l'on ne jouit d'un certain anonymat.
A cette raison personnelle s'en ajoute une autre, relative au fonctionnement même de la télévision, cette curieuse, pour ne pas dire monstrueuse invention. Le petit écran, ce temple en trompe-l'œil où l'on idolâtre des marionnettes, connaît la loi de réfraction : ce qui est droit y paraît tordu, ce qui est tordu y paraît droit.
Voici quelques indices qui me font douter de la compatibilité entre notre cause et la télévision, cette matraqueuse-dupeuse prétendument inévitable :
En 1976, à 18 ans, je fus habilement réquisitionné, avec d'autres jeunes, pour faire l'éloge d'un film sortant au cinéma. Ayant trouvé ce dernier insipide, je le critiquai vertement. L'émission n'étant pas en direct, mon intervention fut prudemment censurée.
En 1990, au vernissage d'une exposition sur l'art et la publicité, je fus interrogé devant la caméra d'une chaîne câblée. Quand fut diffusé le reportage sur l'exposition, manquait ma partie. Explication donnée par la chaîne : "Malheureusement, pour des raisons de montage, votre interview a été coupée!"
En 1991, je fus filmé pendant 35 secondes par le réalisateur d'une émission sur la publicité. Il me téléphona, quelques jours plus tard, que ma déclaration, jugée trop longue par la chaîne, ne serait pas diffusée.
En 1992, après trois heures de tournage pour un "sujet" de trois minutes, celui-ci ne fut même pas monté, pour des raisons, me dit-on, internes à la chaîne.
Au début de 1993, on put me voir débattre avec un mariolle invétéré. On m'avait promis que l'adresse de l'association serait rendue publique. Elle ne le fut pas.
Ma décision, que certains jugeront peut-être de nature à entraver le progrès de notre cause, est donc mûrement réfléchie. Remontant à quelques mois, elle vient d'être renforcée par une autre décision, prise il y a quelques jours, à l'instant même d'une révélation, disons plutôt du franchissement d'un nouveau degré de conscience. Cette décision-là ne concerne pas directement l'association : jusqu'à nouvel ordre, je ne regarderai plus la télévision.

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Affaire Gilles et Manu (fin)

Les deux jeunes gens qui, après avoir bombé un slogan dénonciateur sur une affiche publicitaire sexiste, avaient été déclarés coupables le 1er février dernier (R.A.P.-Échos n°2), ont bénéficié, le 5 juillet, comme c'était prévisible, d'une dispense de peine. Par ailleurs, suite à un vice de procédure, ils n'ont finalement pas eu de dommages et intérêts à verser à la partie civile, une société spécialisée dans le mobilier urbain. En fin de compte, les frais de ce procès se sont limités aux honoraires d'avocats (5500 F), en grande partie pris en charge par les membres de trois associations : l' A.V.F.T. (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), le Publiphobe et Résistance à l'Agression Publicitaire.

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